Bien que la guerre en Ukraine n’ait toujours pas de fin en vue, les autorités suisses discutent désormais activement de la manière dont le statut de protection S pourrait être supprimé à l’avenir, ainsi que des conséquences pour les personnes qui vivent déjà en Suisse depuis de nombreuses années.

Cet article explique pourquoi ces changements sont devenus importants, comment fonctionne le processus légal de transition du statut S vers un permis B et quelles procédures s’appliquent en cas de suppression du statut de protection.

1. Pourquoi la situation a changé

Lors de l’arrivée massive des Ukrainiens, la Suisse a fonctionné en « mode d’urgence » :

 • traitement d’un nombre extrêmement élevé de demandes ;

 • recours à des procédures simplifiées ;

 • octroi de la protection à toutes les personnes arrivées.

Aujourd’hui, le nombre de nouvelles demandes est moindre, mais les situations sont devenues plus complexes. On rencontre davantage de cas où les personnes :

 • ont déjà séjourné en Suisse auparavant ; ou

 • sont arrivées depuis un autre pays de l’UE (« migration secondaire »).

Par conséquent, les autorités adoptent désormais une approche plus détaillée et individualisée afin de prévenir tout abus éventuel. Cela nécessite plus de temps et de personnel supplémentaire, ce qui augmente naturellement le nombre de dossiers encore en attente de décision.

 

2. Changements législatifs (2025–2026)

Modifications attendues d’ici fin 2025 :

 • Au lieu d’un permis de travail, les personnes n’auront besoin que de soumettre une notification de début d’emploi (à partir du 1er décembre 2025) ;

 • Les personnes bénéficiant du statut S pourraient être tenues de suivre des programmes d’intégration ou de formation professionnelle.

Changements prévus dans la loi (pas avant fin 2026) :

 • Droit de changer de canton en cas d’emploi confirmé ;

 • Obligation pour les services sociaux d’informer les offices régionaux de placement (ORP) des personnes au statut S prêtes à intégrer le marché du travail.

 

3. Plan pour une éventuelle fin du statut S

Le Conseil fédéral a demandé un plan préliminaire pour se préparer au moment où le statut S pourrait être levé.

La proposition initiale — supprimer le statut en 2024–2025 — n’est plus d’actualité.

Un nouveau scénario est désormais envisagé :

« Suppression tardive » — situation où l’intégration des Ukrainiens a déjà progressé considérablement, tandis que la volonté de retour volontaire a diminué.

Le plan prend en compte les éléments suivants :

Procédures :

 • Conseils, notifications et délais de départ ;

 • Règles de retour forcé ;

 • Coordination entre le SEM, les cantons et les communes.

Retour :

 • Priorité au retour volontaire ;

 • Programmes de soutien spécifiques pour l’Ukraine ;

 • Règles pour les cas exceptionnels.

Financement :

Les villes et les cantons estiment que le système actuel de financement d’urgence est insuffisant. Ils demandent une nouvelle solution financière pour la période entre la fin du statut S et le retour effectif.

 

4. Règle clé : que se passe-t-il après 5 ans de résidence

Après 5 ans de résidence continue avec le statut S (pour le premier groupe d’Ukrainiens, cela commencera en mars 2027), une règle importante entre en vigueur :

 • Le canton peut délivrer un permis de séjour B, mais celui-ci n’est valable que jusqu’au jour de la fin officielle du statut S.

Points importants à noter :

 1. Il ne s’agit pas d’un permis B permanent ;

 2. Il expire automatiquement dès que le statut S est officiellement annulé.

Plusieurs questions légales restent donc ouvertes :

 • Les personnes pourront-elles voyager ?

 • Quelles règles s’appliqueront pour changer d’emploi ?

 • Quels droits seront identiques à ceux d’un permis B standard et lesquels différeront ?

En 2027, environ 48 000 Ukrainiens atteindront pour la première fois le seuil des 5 ans.

Le système pourrait être surchargé. Les cantons et le SEM recherchent déjà des solutions pour éviter la confusion et les disparités dans le traitement des dossiers.

 

5. Une étape majeure après 2027 : le « cas de rigueur »

Après cinq ans en Suisse, toute personne bénéficiant du statut S a le droit de demander un permis B selon la règle du « cas de rigueur » (cas de rigueur / Härtefälle / casi di rigore), conformément à :

 • Art. 14, al. 2 LAsi ;

 • Critères de l’Art. 31 OASA.

Le cas de rigueur est un mécanisme juridique permettant d’obtenir un permis B même si, formellement, la personne n’a pas le droit habituel de séjour en Suisse.

Il constitue une exception aux règles standards. L’État peut l’accorder aux personnes bien intégrées, résidant depuis de nombreuses années, pour qui le retour dans leur pays d’origine serait exceptionnellement difficile.

C’est une exception humanitaire, et chaque décision est individuelle — chaque situation est examinée en détail.

Conditions :

 • Plus de 5 ans de résidence en Suisse ;

 • Les autorités doivent avoir connaissance officielle de l’ensemble du séjour ;

 • Niveau élevé d’intégration ;

 • Absence de motifs d’expulsion (Art. 62 LEI)....

 

6. Que signifie un « haut niveau d’intégration » ?

L’Art. 31 OASA énumère plusieurs critères examinés par les autorités :

 • Compétences linguistiques ;

 • Participation à la vie communautaire ;

 • Indépendance financière, ou perspectives claires de l’atteindre ;

 • Absence d’infractions pénales ;

 • Bon comportement ;

 • Stabilité familiale et intégration sociale des enfants ;

 • Résidence de longue durée dans le même canton.

Il ne s’agit pas d’un processus automatique : chaque demande est évaluée individuellement.

 

Conclusion

La Suisse passe d’un système d’urgence instauré en 2022 à une approche plus long terme concernant le séjour des Ukrainiens.

Le statut S n’est pas encore terminé, mais le gouvernement se prépare déjà aux changements.

Le seuil des cinq ans en 2027 constituera un tournant : des milliers d’Ukrainiens pourront demander un permis B, temporaire ou via la procédure du « cas de rigueur ».

Les trois niveaux de gouvernement — Confédération, cantons et communes — s’accordent sur la nécessité de changements amplement systématiques pour intégrer le statut S dans le système général de migration et d’asile.

Des règles claires et unifiées doivent être établies, prenant en compte :

 • La situation légale des personnes bénéficiant du statut S ;

 • Leurs droits et obligations (notamment liberté de circulation, accès au travail et aux prestations sociales) ;

 • Les processus d’intégration ;

 • La coopération entre tous les niveaux de gouvernement ;

 • La possibilité de retour en Ukraine ;

 • L’organisation du financement entre le début et la fin du statut S.


Les trois niveaux de gouvernement ont déjà soutenu et approuvé un mandat politique commun dans ce sens.

Cela signifie que la réforme du statut S, son intégration dans le système d’asile général et la régulation claire du passage au permis B ne sont pas de simples recommandations d’experts, mais un objectif politique officiel que les autorités se sont engagées à mettre en œuvre.

09 décembre, 2025