La Suisse pourrait retirer la protection à des milliers d’Ukrainiens : les « régions sûres » existent-elles vraiment?
La Suisse est au cœur de vifs débats sur l’avenir du statut de protection S accordé aux Ukrainiens. Le Parlement ainsi que plusieurs gouvernements cantonaux poussent à des réformes qui pourraient concerner des dizaines de milliers de nos compatriotes.
Qu’est-il proposé ?
• La protection collective temporaire ne serait plus accordée aux personnes originaires des prétendues « régions sûres » d’Ukraine.
• Seules celles résidant dans des zones de combats actifs ou dans des territoires occupés resteraient éligibles.
• L’initiative a été déposée par la sénatrice UDC Esther Friedli.
Ces critères plus stricts devraient entrer en vigueur dans les prochains mois. Actuellement, le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) s’attache à définir quelles zones peuvent être considérées comme sûres et travaille en étroite collaboration avec la Norvège, qui applique déjà depuis plus d’un an un système de différenciation régionale.
Quelles seraient les conséquences ?
• Environ 70 000 Ukrainiens vivent actuellement en Suisse.
• Selon le SEM, plus d’un tiers d’entre eux proviennent de régions que la Norvège considère déjà comme « sûres ».
• Potentiellement, plus de 20 000 personnes pourraient perdre leur statut de protection.
• Certains cantons (Lucerne, Berne, Zurich) demandent que la règle s’applique même aux bénéficiaires actuels du statut S.
Qui s’y oppose ?
• Le HCR appelle la Suisse à renoncer à ce projet : « Il n’existe aucune région sûre dans le pays — la guerre est mouvante, la ligne de front change et des frappes de missiles ou de drones peuvent atteindre n’importe quelle ville. »
• Le canton de Bâle-Ville avertit que la vérification des statuts deviendrait aussi complexe que la procédure d’asile classique.
• Des organisations humanitaires, dont Caritas, alertent : les personnes commenceraient alors à déposer massivement des demandes d’asile individuelles — comme c’est déjà le cas en Norvège.
Qui soutient la mesure ?
• Michaela Ciurr, présidente du gouvernement lucernois : « L’égalité doit s’appliquer à tous. Si une région est jugée sûre, ses habitants ne devraient pas bénéficier d’une protection collective. »
• Philipp Müller (Berne, PLR) : « Il s’agit d’une étape logique et cohérente. »
• Mario Fehr (Zurich, Indépendant) : « On ne comprend pas pourquoi la règle devrait se limiter aux nouveaux arrivants. »
Le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) a toutefois rejeté ces revendications, précisant que l’initiative parlementaire ne concerne que les nouvelles demandes et non les statuts déjà octroyés.
Un contre-argument venu d’Argovie
Fait notable, des voix discordantes s’élèvent même au sein de l’UDC. Jean-Pierre Gallati, membre du gouvernement cantonal argovien, prévient :
« Le système sera saturé. Des dizaines de milliers de personnes resteront dans le pays sans droit au travail, ce qui compliquera encore davantage leur intégration. »
La voix de la communauté ukrainienne
Le père Ivan Machuzhak, aumônier à l’hôpital cantonal de Winterthour, déclare :
« Qui peut dire ce qui est sûr et ce qui ne l’est pas ? Aujourd’hui, la ligne de front bouge ; demain, de nouvelles frappes surviennent. De telles décisions n’apportent aucun sentiment de sécurité. Pour les Ukrainiens, le plus difficile est lorsque des choix concernant leur vie sont pris sans qu’ils soient consultés. »
🔗 Source : NZZ